... Put all your fears back in the shade ...

Rattrapages

Jeudi 12 février. Cinq ans et demi. Levée à 5h, faut sortir du lit, dur dur mais bon. Même pas un coup d'oeil par la fenêtre, je suis en retard. Je sors, la musique plein les oreilles et l'écharpe sur le menton, quand la neige me surprend. Elle tourbillonne et m'entoure de ses gros flocons, c'est une image de film ou de manga tellement c'est beau. Le sol est déjà blanc, et je suis seule. Seule à mettre mes pas en zigzag. La première de ma rue, en tout cas. Comme à mon habitude je ferme les yeux, je tire la langue et j'essaie d'attraper les plus gros flocons. C'est froid, c'est délicieux. On est le 12 février, la vie est belle, j'ai même pas raté mon train, j'ai couru dans la neige les yeux fermés, j'suis pas tombée, j'ai ptit déjeuné de la neige. J'ai six ans, j'monte dans le wagon un grand sourire aux lèvres, j'ai chaud dans mon manteau, mes gants sont roses et noirs, j'les retire même pas je regarde la neige voler dehors. J'prends le chemin le plus long pour aller au boulot, je quitte le métro pour macher à l'air et à la neige, j'vois les gronchons en parapluie, j'ai la tête nue et le nez gelé, les pomettes rouges. J'sais pas comment je fais pour être quand même 5minutes en avance au boulot, je souris, la neige tient un petit peu, je sais qu'à 14h, ce sera fini. Avant de m'occuper des enfants dont j'ai la charge, je leur montre la neige par la fenêtre. Je chante pendant leur bain, ils rient, j'me sens bien. La cadre passe en demandant qui chante, la moitié du service répond "ça doit être Cécile". Je chante souvent, n'importe quoi. Comptines, chansons, ce qui me vient. Je fredonne et meuh-meuh-me.

J'aime pas ce service. Comme je déteste être inactive et qu'il n'y a pas de personnel pour s'occuper à plein temps de deux enfants qui n'ont pas de chance côté famille, je m'occupe d'eux. Soins, hygiène, jeux, repas. Et d'un bébé qui a besoin de contact. Et d'une petite fille peureuse. J'suis tout le temps occupée, je cours à droite et à gauche, si je me pose, je m'endors tellement je suis fatiguée. J'm'active pour oublier à quel point j'ai mal, aussi.

Mais, ce 12 février, en rentrant, dans mes oreilles y'avait Tiersen qui voulait me faire pleurer. C'était une chouette journée. Au dîner, mon homme avait même cuisiné des cata-très-drôles en fromage, pain et knackis. Forcément, j'souris encore plus grand en mangeant !

Si seulement je n'avais pas autant peur.....








Vendredi 13. J'ai jamais été supersticieuse. C'est juste que la freebox tombe en rade, que j'suis avec la pire infirmière du service, que je suis à jeûn depuis le dîner de la veille jusqu'à 13h30, ma tête tourne, j'ai l'impression d'être son chien, je me mords les lèvres pour ne pas être désagréable. J'ai envie de pleurer quand je rejoins le vestiaire. Pleurer nerveusement, ou d'y retourner et de lui mettre mon poing dans la gueule. Lui dire qu'elle a deux mains et deux jambes, ce serait cool de s'en servir. J'en suis sortie indemne et c'est le week-end. Mais on a pas internet.


Week-end en amoureux. Sauf qu'il travaille le samedi, et ça me rend triste, j'ai jamais assez de ses bras. Surtout le matin, vu qu'il faut toujours me lever à 5h. Dimanche à gauffres et gratin, c'est bon, j'mange trop, on rigole beaucoup, j'me serre fort contre lui pour pas perdre une miette de son odeur. Mon chat vient entre nous et alterne les coup de tête : un coup pour moi, un coup pour lui et il faut qu'on le caresse assez, sinon il pleure. On est bien là, tous les trois. Mon chat s'endort en ronronnant, et j'le pousse pour profiter de mon homme. J'suis pas partageuse, c'est mon torse, na.

Lundi, j'entends que du bien de moi. Pour avoir tenu tout vendredi, pour gérer mon côté du service, et pour ma prise en charge des enfants. D'ailleurs, ils veulent plus trop qu'on s'occupe d'eux si j'suis pas là. Personne n'aime l'infirmière du vendredi, j'rigole intérieurement pour ce que j'entends sur elle; mais je ne dis rien. Dans ce service, je ne parle pas. Je prends un minimum de pause (c'est à dire un quart d'heure), je sors dès que je peux. Je parle avec un autre élève le matin, et c'est tout. Je déteste faire quatre semaines du matin, je suis crevée. Je suis démoralisée à l'idée de recommencer dans trois semaines, sans savoir si ce sera du matin ou de l'après midi, mais en sachant que je n'alternerais pas. Soit je rentre tard chaque soir, soit jme lève encore à 5h chaque matin.



Mercredi 18 février. J'aurais 22 ans dans moins d'un mois. Je réalise pas du tout. Le temps file file file, bientôt ma soutenance de mémoire déjà, je l'ai même pas relu. Ma dernière MSP vendredi 20 février, à 8h. Après demain. Ca non plus, je ne réalise pas.
Hier encore c'était Noël. J'ai cette impression. Je ne vois pas du tout mars arriver, probablement parce que le temps ne s'adoucit pas et que je suis toujours en manteau. Je ne sais pas.


Jeudi 19 février. La vie sans internet, c'est long pour plein de choses. Par exemple, j'peux pas me passer d'écrire, mais juste sur un bloc note, ça me comble pas. Désir d'être lue, et surtout, d'en avoir la possibilité. Il est certain que personne n'ouvrira ce .txt tel quel. Peut-être la freebox demain dans la boîte... J'espère.
Demain, ma MSP. J'dis ça, un verre de vodka caramel à la main, ma démarche devant les yeux. J'ai pris une feuille et un feutre bleu, c'est un bon début.
Rendez-vous chez le médecin pris, je sais que ça va pas, mais au fond, je choisis de l'ignorer. Je vais bien, tout va bien. Si on regarde pas les choses en face, peut-être que ça passera tout seul. J'y crois pas, sinon, j'irais pas chez le médecin, mais chut.

J'ai enfin regardé "Le premier jour du reste de ta vie", qui m'intriguait. J'ai pas été déçue. J'ai pas vu le temps passer et la fatigue n'a pas gagné. J'ai les yeux lourds, mal au crâne, mais tu sais, depuis deux jours les nuits sont cauchemardesques. Ca passera aussi, hein?

Aller, avant Shrooms, ma démarche de soins. Youpi.

Ecrit par Kyrah, le Mercredi 25 Février 2009, 18:27 dans la rubrique "vide".

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